1. Notre conception de la mixité sociale
La mixité n’est pas un gadget, elle est essentielle. Personne ne veut vivre dans une ville monolithique où les grandes surfaces font office d’espace culturel. Nous souhaitons une ville où toutes les populations vivent ensemble.
Paris a perdu de sa substance. La qualité de vie y a été dégradée, notamment pour les familles. Pourtant, si elle veut rester une ville qui vit, Paris n’a pas le choix : elle doit mélanger l’habitat, les activités, les commerces et les bureaux avec des équipements publics (écoles, crèches, gymnases, lieux de santé), des lieux de rencontre, des espaces culturels et des jardins accessibles.
La “mixité”, cela signifie diversifier la population, mélanger toutes les catégories sociales, diversifier les fonctions, brasser les générations. La “mixité” implique aussi la nécessité de créer des lieux où ces populations peuvent se rencontrer pour mieux vivre ensemble (maisons des associations, cafés associatifs, espaces culturels et médiathèques... gérés par les associations et les habitants eux-mêmes, en fonction des projets qu’ils entendent mener).
Quelques critiques de la répartition actuelle des populations dans le 14e :
- Zac Didot : même s’il y a un brassage de populations (logements d’artistes et logements sociaux du type prêt locatif aidé, PLA), il y a encore une très grande majorité de logements de type prêt locatif intermédiaire (PLI, “faux logement social”) et du type accession sociale à la propriété (ASP). Cela veut dire que cette opération favorise l’installation d’une population aisée dans une partie de l’arrondissement qui est déjà à dominante bourgeoise.
- Ne pas refaire des grands ensembles comme dans la partie Nord de la rue Didot ou comme rue de l’Eure. Les populations ne se mélangent pas à ces endroits. Pour équilibrer ici, les immeubles d’un étage dans l’impasse du 130, rue du Château pourraient être rachetés par la mairie d’arrondissement, réhabilités et les transformés en logements sociaux.
- Les rues de Texel, Guesde, de l’Ouest sont des exemples réussis de mixité.
- En cas de préemption par la Ville, ne pas racheter toute une rue, mais plutôt un immeuble par ci par là. (ex. des rues Pernety et de Plaisance).
- Zac Montsouris : Ici, le logement social fait office de mûr antibruit ! C’est déplorable car “logement social” ne doit pas être synonyme de “logement de seconde catégorie”.
- Il serait judicieux de placer des logements d’accession sociale à la propriété (ASP) à la Porte de Vanves où on trouve actuellement des grands ensemble de logements sociaux parmi les moins chers de Paris.
- Le quartier Hallé est un quartier où il faudrait implanter des logements sociaux (p. ex. au 27, rue du Commandeur un immeuble entier aurait pu être racheté par la ville).
- Dans le cadre de la restructuration urbaine du quartier Montparnasse il faudra prévoir l’installation de logements sociaux, de locaux associatifs et culturels et d’ateliers d’artistes...
- Créer des liens avec la banlieue pour la rendre plus attractive.
Nos propositions pour réaliser cette mixité :
- Lors de chaque aménagement de zone, veiller à ce que la répartition des populations y soit définie.
- La mixité ne peut se faire qu’en offrant des équipements publics nombreux et de qualité de manière à attirer toutes les catégories de population dans un même quartier. La mixité est donc un projet urbain global qui va bien au-delà du logement.
- Protéger les lieux réaménagés. La ville doit racheter des appartements dans un quartier dans lequel elle améliore le cadre de vie, dans le but de les transformer en logement à loyer conventionné pour assurer le maintien des ménages à revenus modérés à Paris intra-muros.
- La mixité doit se faire au sein d’un même immeuble ou d’un même ensemble et par étages et non pas par quartiers.
- La mixité peut parfois passer par l’implantation de ménages “aisés” dans des immeubles HLM (à condition que cela ne dégénère pas en détournement clientéliste des programmes sociaux), mais aussi - et surtout - par le logement de familles défavorisées dans des immeubles bourgeois.
- Il faut mixer les prêts : Jusqu’à présent on ne mixe, dans un même site, que des logements libres avec des logements PLI (prêt locatif intermédiaire, le vrai-faux logement social). Il faudrait mélanger toutes les catégories, PLA (prêt locatif aidé), PLA-TS (Prêt locatif aidé très social), PLI, l’accession sociale à la propriété et le logement privé, si nécessaire.
- Recourir à la réquisition d’immeubles ou appartements vacants dans la mesure du possible et pour les grandes urgences. Mener une prospection, au niveau de Paris et de l’arrondissement, pour détecter les locaux inutilisés transformables en logements.
- La mixité sociale est un objectif à long terme. Elle ne doit pas être, en contradiction avec elle même, l’argument massue pour refuser l’attribution de logements dans certains cas de grande détresse : il doit rester possible de reloger entièrement les habitants d’un immeuble insalubre ou d’un squat même si cela peut, à priori, déranger l’équilibre social (lutte contre la discriminations des familles d’origine africaine).
- Trouver des solutions techniques pour que les bailleurs acceptent de gérer un parc de logements « dans le diffus » et ce, malgré les difficultés de gestion que cela peut impliquer. “Gérer dans le diffus” signifie que le parc de logements d’un organisme HLM peut être constitué de plusieurs appartements se trouvant dans des lieux distincts au lieu d’être composé d’immeubles entiers. Il est plus facile d’acquérir des appartements par-ci par-là que de trouver des immeubles vacants. Pour éviter que ce seuls les bailleurs endossent les risques d’impayés de loyer et pour répondre à leur crainte de ne pas pouvoir en sortir des risques de cet engagement, la Ville peut mandater une association agréée pour la gestion de ces appartements.
2. Ce que nous suggérons à la mairie d’arrondissement en matière d’action sociale liée au logement
Nous attendons de la mairie qu’elle affiche clairement la volonté de mener une action sociale liée au logement en créant un service spécialisé. Elle peut, si elle le veut, consacrer une partie de son argent à la recherche et à l’achat d’immeubles et d’appartements en dégageant un fond local.
La mairie peut détacher deux personnes compétentes pour activer et animer un réseau des intervenants du logement (partenariats), de faire une prospection auprès de propriétaires bailleurs dans le privé et dans le social en vue de l’achat d’appartements ou d’immeubles. Cette équipe doit connaître les systèmes de financement et doit pouvoir réagir vite pour bloquer une vente. Une prospection peut également se faire en matière d’échanges d’appartements ce qui nécessite un accès direct aux organismes HLM.
Une association agrée par la Préfecture peut ensuite avoir un mandat de gestion des appartements ainsi trouvés et assurer l’accompagnement social des familles bénéficiaires des mesures.
Ces appartements peuvent être loués en tant que “logement temporaire” ou sous forme de “bail glissant”. Le “logement temporaire” permet d’offrir un logement provisoire à une personne en difficulté tout en accompagnant la recherche d’un autre logement définitif. Le “bail glissant” permet à des personnes en difficulté d’accéder à un logement tout en étant, dans un premier temps, soutenues par une association qui prend le bail a son nom. Après un délai, ces personnes prennent le bail à leur nom. Leur situation s’étant stabilisée, elles “glissent” du statut de sous-locataire vers le statut de locataire en restant dans le même appartement.
Cette contribution a été élaboré par le groupe logement d’Urbanisme et démocratie en lien avec des habitants et remise au maire adjoint du logement, Jean-Paul Millet, lors de la réunion du 10 septembre 2002 (rédaction : Sabine Bröhl).