Découverte du projet
Fin 1996, l’association de quartier Urbanisme et démocratie (Udé ! ) fête comme il se doit sa première victoire : un jardin sera aménagé rue des Thermopyles. Dans la foulée, l’association organise une réunion publique pour définir l’aménagement de ce jardin. Si les participants s’inscrivent rapidement pour composer le groupe chargé de faire des propositions, de nombreux habitants interpellent l’association sur un chantier qui doit prochainement débuter entre les rues Didot, du Château, Raymond-Losserand et Pernety : la Zone d’aménagement concertée “Didot”.
Un nouveau groupe d’habitants motivés est constitué. Ils se renseignent sur les tenants et aboutissants du projet. Ce qu’ils découvrent n’est pas rassurant : des immeubles hauts, un espace vert riquiqui, aucun équipement public (alors que la crèche du secteur est saturée et que de nombreux besoins ne sont pas satisfaits), des destructions d’immeubles anciens pourtant en bon état et la transformation d’un espace au coeur du quartier Pernety en une cité telle qu’on les concevait dans les années 1960. Le plus inquiétant : aucun rendez-vous n’a pu être obtenu avec la Ville de Paris pour discuter du projet.
La mobilisation s’organise
Lors d’une nouvelle réunion organisée par l’association en mars 1997, la centaine d’habitants présents vote à l’unanimité l’organisation de la résistance. Rendez-vous est donné devant les entrées du chantier, chaque mardi matin, pour un petit déjeuner entre habitants et ouvriers. La gêne occasionnée à l’avancée des travaux est grande et la réponse de l’aménageur ne tarde pas (constats d’huissiers, intimidations, menaces et procès). La mobilisation n’en est que renforcée. Elle concerne alors tout un quartier, tous ses habitants (toutes tendances politiques confondues) et est soutenue par d’autres associations du 14e (dont le journal de quartier La Page) et d’autres arrondissements. La presse commence à s’intéresser au sujet. L’aménageur et la Ville de Paris font toujours la sourde oreille.
La lutte s’intensifie
C’est là qu’intervient un mystérieux personnage qui dit s’appeller Zacman et qui, vêtu d’une cape jaune marquée d’un “Z”, coiffé d’un feutre noir et dont les yeux sont masqués par un loup, vient au secours des habitants et de l’association. Un dimanche après midi, il escalade une grue du chantier pour y accrocher une banderole de 18m. Puis il affiche des poèmes signés “Z” dans tout le quartier. Un matin, il subtilise les clefs d’un camion garé devant l’entrée du chantier, un autre jour il intervient au coeur d’une autre Zac parisienne, enfin, lors du procès, il apparaît puis disparaît dans les couloirs du Tribunal. Au même moment, la campagne électorale des législatives 1997 débute. Soutenue par les partis politiques alors dans l’opposition (PS, Verts et PC) la lutte prend des allures de bras de fer électoral. Campagne électorale plus Zacman : le cocktail fait mouche. Toute la presse s’empare du sujet : de La Page, journal de quartier, à la presse régionale et nationale (de Politis au Figaro). Tous soutiennent les habitants et leur association. A l’approche du second tour des élections, le maire de Paris fait volte-face et invite les associations à une table ronde.
Négociation difficile
Le mutisme est enfin rompu. On croit qu’on va pouvoir se parler. Entre adultes. Il n’en est rien, la Ville campe sur sa position. Les élections finies, l’association Urbanisme et démocratie continue le combat. A force de concessions et de persévérances de la part de l’association soutenue par Zacman, la mairie de Paris finit par céder : la deuxième tranche de travaux sera différée et les propositions associatives seront écoutées. Pour la première tranche, ce qui peut être modifié le sera.
Des propositions à revoir
Une ère constructive débute : celle des propositions. De réunion en réunion, l’association pousse ses pions, toujours soutenue par La Page, suivie par la “grande presse” et quelques élus d’opposition. Un programme d’aménagement est défini : il ne convient qu’à demi. Il sera soumis à enquête publique.
Elle a lieu fin 1999 et Urbanisme et démocratie ne ménage pas sa peine pour que de nombreux habitants aillent porter leurs remarques sur le cahier du commissaire enquêteur. Plus de 600 d’entre nous font le déplacement à la mairie.
Une victoire sur toute la ligne
L’avis du commissaire enquêteur oblige la Ville à revoir l’aménagement dans le sens souhaité par les habitants : réhabilitation des immeubles du 36, rue Pernety et du “Château ouvrier” (les habitants qui le désirent seront relogés dans la Zac), plus d’espaces verts (jardin porté à 4000m² sans grille, comportant une aire de jeu pour adolescents et un jardin partagé), rien que des voies piétonnes, de logements sociaux (concrétisés par la résidence étudiante), d’ateliers-logements, d’équipements sportifs, de locaux associatifs (une salle sera aménagée rue du Moulin-des-Lapins, une salle du gymnase sera polyvalente, le rez-de-chaussée du “Château ouvrier” sera transformé en centre associatif, un café-associatif verra le jour au rez-de-chaussée de la résidence universitaire), des places en crèche ou halte-garderie seront créées dans le secteur.
Concrétisation d’une lutte exemplaire
Puis, les chantiers avancent sans que l’association ne soit consultée ou entendue quant à l’avancée des travaux : l’aménageur préfère travailler seul.
La première tranche est livrée entre 2000 et 2002. Le “Château ouvrier” et les logements pour artistes de l’allée y conduisant sont livrés en 2004 (Udé ! organise un apéro festif à cette occasion), le gymnase et la résidence universitaire en 2005, le café associatif le 2 janvier 2006 et la place de la Garenne et le jardin seront livrés avant la fin 2006.
Au final, les anciens et nouveaux habitants du quartier disposeront d’équipements publics permettant de répondre aux besoins exprimés et d’un coeur de quartier voué à devenir un pôle de vie... plutôt que la cité refermée sur elle-même qui nous était promise avant le premier “petit déjeuner militant et revendicatif” du 1er avril 1997.
Merci et à bientôt pour de nouvelles aventures !
Au nom des habitants du quartier, (anciens et nouveaux), merci encore à toutes celles et ceux qui se sont mobilisés, sans oublier celles et ceux qui ont depuis déménagé et continuent la lutte ailleurs.
Les projets d’Udé ! sont encore nombreux.
Après avoir impulsé la création du café associatif, nous avons aussi permis qu’aboutisse un projet de pension de famille et nous sommes impliqués dans la création du centre associatif qui ouvrira bientôt au rez-de-chaussée du “Château ouvrier”.
Mais Udé ! c’est aussi les réflexions sur la Ville en général, les liens avec la banlieue (notamment au niveau de la porte de Vanves), la mobilité et la pollution, les problèmes sociaux ou les projets d’écoconstruction. Enfin, l’association met à disposition son savoir-faire pour aider les habitants à organiser des fêtes de rue quatre fois par an : comme pour tous les sujets que nous abordons, c’est vous qui êtes au coeur de la fête, depuis sa préparation, son suivi, jusqu’au plaisir d’être au milieu d’un quartier en mouvement, de vivre des rencontres qui font sens, de rompre l’isolement souvent reproché aux villes.
Alors, n’hésitez pas à nous rejoindre !