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Lettre ouverte à Bertrand Delanoë


Monsieur le maire de Paris,

Nous sommes des habitants du 14e arrondissement, unis depuis de longues années dans les activités d’une des associations de quartier ayant comme objectif la concertation et l’amélioration du cadre de vie, le social et l’éducation dans le quartier où nous vivons. D’un côté certains aspects de la ville s’améliorent, d’un autre nous constatons une hausse des loyers qui a dépassé le supportable. Nous vous sollicitons en vue de prendre des mesures capables de stopper une évolution où les plus faibles se retrouvent dans une véritable lutte de survie !

Les graves événements de cet été nous l’ont à nouveau cruellement montré : que se soit dans le 14e, ailleurs à Paris ou en Ile-de-France, l’Etat s’attaque aux plus démunis en recourant à de véritables commandos d’expulsions. L’annonce, par le gouvernement, de pseudo-mesures d’aide et d’accompagnement ne saura satisfaire que ceux qui ne veulent pas voir !

Cet été les habitants d’un squat au 26, rue de la Tombe Issoire ont été expulsés. Un comité de soutien, composé par de nombreux voisins accompagne ces familles depuis leur installation il y a quatre ans. Des engagements de relogement ont été annoncés par la Préfecture puisque ces familles sinistrées sont devenues prioritaires. Nous sommes heureux pour elles et espérons que ces promesses seront tenues.

Mais, si l’évacuation de ce squat a été très médiatisée, les situations de très nombreuses autres personnes connaissant une insupportable précarité de logement restent ignorées. Quand nous discutons entre parents d’élèves à la sortie des classes, au square, lors d’une fête de quartier ou en faisant notre marché, nous rencontrons tous des personnes ou familles qui sont très mal logées, menacées d’expulsion, souvent en attente d’un logement social depuis des dizaines d’années. Leurs situations socio-administratives s’étant compliquées avec le temps, ces personnes ne peuvent rebondir sans une aide extérieure.

Voici quelques exemples :

Madame T. vit dans un petit studio avec ses deux filles adolescentes. Cela fait plus de vingt ans qu’elle a fait sa demande de logement social mais la Ville ne lui propose toujours rien. Pourtant, elle travaille et gagne sa vie. Elle aimerait offrir à ses filles un peu plus d’espace pour un meilleur épanouissement et démarrer dans la vie avec moins de problèmes matériels.

Monsieur et Madame B. tiennent un commerce rue Didot. Habitants de leur quartier depuis vingt ans, ils ont dû quitter leur logement devenu trop cher et se retrouvent à vivre à six dans l’arrière boutique de leur commerce. La vie est dure dans ce logement exigu et humide, des problèmes de santé et de scolarité s’en suivent. Les services sociaux viennent constater, le maire et les élus sont au courant mais personne ne peut les aider concrètement.

Monsieur et Madame N. vivent avec leurs trois enfants dans 24m². Madame est atteinte d’un handicap lui interdisant de travailler, Monsieur est au RMI, parfois il décroche des contrats d’intérim. Néanmoins, il arrive à nourrir sa famille et à payer un loyer qui s’élève à l’exorbitante somme de 800 ?. Le propriétaire leur a annoncé le non renouvellement du bail de trois ans. Ils ne savent pas où aller.

Monsieur et Madame X. vivent à l’hôtel avec leurs deux enfants en bas âge. S’agissant d’un hôtel de tourisme, cette famille dérange le calme de l’établissement. Ils doivent partir à la fin du mois. Gagnant leur vie "normalement" mais sans garant, ce couple n’arrive pas à convaincre un propriétaire privé de leur signer un bail.

Madame C. est gardienne d’immeuble. Depuis son divorce, chaque jour est un combat pour sa survie et celle de ses enfants. En fin de bail après un licenciement économique, elle a reçu un jugement d’expulsion. Malgré l’enquête sociale en cours, cette famille a été expulsée par la force publique à la mi-septembre et se retrouve dans une chambre d’hôtel.

Monsieur et Madame V. viennent de recevoir leur avis d’expulsion. Ils vivent à quatre dans un studio. Atteint d’une maladie très grave, Monsieur ne cesse d’alerter les services sociaux, associations, voisins car lui non plus ne sait où aller se loger si le pire arrivait. Ils ont été expulsés fin octobre sans qu’un logement définitif leur ait été proposé.

Toutes ces situations sont dramatiques. On ne peut rester passif face à cette permanente menace d’évacuation des personnes pauvres et précaires.

Après les graves événements de l’été 2005, plusieurs associations et habitants de l’arrondissement ont pris l’initiative de rédiger cette lettre ouverte. Ils représentent diverses strates de la société à savoir : des cadres supérieurs et moyens, des étudiants, des artistes, des jeunes travailleurs, des intermittents du spectacle, des travailleurs migrants, des personnes retraitées, des personnes en attente de régularisation, des chômeurs, des RMIstes, des artisans, des commerçants. Solidaires ensemble, ils ne supportent pas que le silence soit fait sur ce qui se passe en ce moment !

Monsieur le maire,
face à ces drames et à la situation de mal logement à Paris, si largement partagée,
pour une véritable politique du logement à Paris,
nous vous demandons :

  • D’agir pour arrêter immédiatement les expulsions sans relogement.
  • De prendre des mesures immédiates pour le logement décent de tous.
  • De créer un service social lié au logement décliné dans chaque arrondissement avec des moyens renforcés pour la prévention des expulsions.
  • De dégager des fonds pour la création de logements sociaux, l’aide aux personnes dont le logement est mis en vente et l’accompagnement social par des associations agréées.
  • De rendre obligatoire l’enquête sociale à transmettre au juge avant de déclencher la procédure d’expulsion.
  • D’ouvrir suffisamment de centres d’hébergement tout au long de l’année.
  • D’assurer la création de logements sociaux, par le biais de la préemption, dans les lieux réaménagés afin d’éviter un embourgeoisement se faisant aux dépens des ménages à bas revenus.
  • D’inciter les bailleurs à gérer un parc de logements "dans le diffus" : quelques logements sociaux dans une copropriété de 30 ou 40 logements permettent de créer une véritable mixité sociale.
  • De privilégier les logements financés par les Prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) qui font cruellement défaut dans les programmes annoncés jusqu’à présent.
  • D’agir pour obtenir une loi de blocage des loyers en dessous du prix du marché et, en attente, d’augmenter les aides à la personne (les allocations logement) afin de pouvoir affronter les prix des loyers dans le privé.

Collectif logement Paris14, premiers signataires :
journal de quartier “La Page”,
conseil local FCPE de l’école Hippolyte-Maindron,
association “Pension de famille à Bauer-Thermopyles-Plaisance”,
maison de quartier “Le Moulin”,
association de quartier Urbanisme et démocratie (Udé !),
Attac Paris 14,
PCF 14e... et de nombreux habitants.
c/o Urbanisme & Démocratie, 28, rue des Thermopyles 75014 Paris

Copie :
Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France,
Pierre Castagnou, maire du 14e arrondissement,
Yves Cochet et Serge Blisko, députés du 14e arrondissement,
Pierre Mutz, préfet de Police de Paris,
Bertrand Landrieu, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris
Michel Lalande, préfet de Paris.

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